Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t1.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
LE SECRET

sur sa redingote boutonnée jusqu’au cou, et il avait une canne dans sa main dépourvue de gant.

« Juste ciel ! s’écria George ; vous ne me reconnaissez pas ? »

M. Maldon tressaillit et rougit violemment, avec quelque chose d’effrayé dans le regard, lorsqu’il reconnut son gendre.

« Mon cher ami, dit-il, je ne vous reconnaissais pas dans le premier moment, je ne vous reconnaissais pas ; cette barbe vous change tellement. Ne trouvez-vous pas que cette barbe vous change beaucoup. Ne le trouvez-vous pas, monsieur ? dit-il, en appelant au témoignage de Robert.

— Grand Dieu ! s’écria George Talboys ; c’est ainsi que vous me recevez ? Je viens en Angleterre pour trouver ma femme morte dans la semaine qui a précédé mon arrivée, et vous commencez par me parler de ma barbe, vous, son père !

— C’est vrai, c’est vrai ! murmura le vieillard, essuyant ses yeux injectés de sang ; c’est un rude coup… un rude coup, mon cher ami. Si vous étiez arrivé ici seulement une semaine plus tôt.

— Si j’avais été ici, s’écria George dans une explosion de douleur et de passion, j’ai peine à croire que je l’aurais laissée mourir ; je l’aurais disputée à la mort. Oui… oui… Ô Dieu ! pourquoi l’Argus ne s’est-il pas englouti avec tous ceux qui étaient à bord avant que je vinsse pour voir ce jour fatal ? »

Il commença à parcourir la plage de long en large, son beau-père jetant sur lui des regards abattus et frottant ses yeux affaiblis avec un mouchoir.

« J’ai la ferme conviction que ce vieillard ne traitait pas trop bien sa fille, pensa Robert, en examinant le lieutenant en demi-solde. Il semble, pour une raison quelconque, avoir presque peur de George. »

Pendant que dans son agitation le jeune homme se