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DE LADY AUDLEY

— Quoi ! s’écria la femme ; celui qui l’a abandonnée aussi cruellement et l’a laissée avec son joli petit garçon sur les bras de son pauvre vieux père, comme me l’a raconté si souvent le capitaine Maldon, avec des larmes dans ses pauvres yeux.

— Je ne l’ai pas abandonnée, » dit George en se récriant.

Et alors il raconta l’histoire de ses trois années de lutte acharnée.

« A-t-elle parlé de moi ?… demanda-t-il. A-t-elle parlé… de moi au… au… dernier moment ?

— Non, elle est partie aussi paisible qu’un agneau. Elle parla peu le premier jour, mais à la fin elle ne connaissait plus personne, pas même son petit garçon ni son pauvre vieux père, qui s’en affligeait vivement. Une fois, elle devint comme folle et parla de sa mère, et de la cruelle honte de mourir dans un pays étranger ; et c’était vraiment pitoyable de l’entendre.

— Sa mère est morte lorsqu’elle n’était qu’une enfant, dit George. Penser qu’elle a parlé d’elle, et pas une seule fois de moi. »

La femme le conduisit dans la petite chambre à coucher dans laquelle sa femme était morte. Il s’agenouilla à côté du lit et baisa tendrement l’oreiller, au grand scandale de la dame de la maison.

Pendant qu’il était prosterné, priant peut-être, la face ensevelie dans ce modeste oreiller blanc comme neige, la femme prit quelque chose dans un tiroir. Elle lui donna cet objet lorsqu’il se releva : c’était une longue tresse de cheveux enveloppée dans du papier argenté.

« Je l’ai coupée lorsqu’elle était déjà dans son cercueil, la pauvre enfant. »

Il pressa les précieuses boucles sur ses lèvres.

« Voilà, murmura-t-il, la chère chevelure que j’ai baisée si souvent lorsque sa tête reposait sur mon