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DE LADY AUDLEY

nier aux vieux papiers, et, posant sa pipe, se prépara lui-même à épuiser le sujet.

« J’ai toujours dit que le vieux buffle se remarierait, murmura-t-il, après environ une demi heure de réflexion. Alicia et milady, sa belle-mère, vont être là dedans comme marteau et tenailles. J’espère qu’elles voudront bien ne pas se quereller à la saison de la chasse, ou se dire des choses déplaisantes à dîner ; les querelles troublent toujours la digestion. »

Vers onze heures du matin, le jour qui suivit la soirée dans laquelle se passèrent les événements relatés dans mon dernier chapitre, le neveu du baronnet traversait Blackfriarsward en flânant hors du Temple, et se dirigeait vers la Cité. Il avait obligé, dans une mauvaise heure, quelque ami nécessiteux en apposant l’antique nom des Audley sur un billet de complaisance ; lequel billet n’ayant pas été touché par le garçon de recette, Robert Audley était averti de payer. Dans ce dessein, il avait monté en se promenant Ludgate Hill, avec sa cravate bleue, dont les bouts flottaient à l’air brûlant du mois d’août, et de là était entré dans une maison de banque située, au frais, dans un sombre passage hors du cimetière Saint-Paul, où il prit les arrangements nécessaires pour vendre une couple de centaines de livres de bons consolidés.

Il avait terminé cette affaire et flânait au coin du passage, guettant un hansom pour le ramener au Temple, lorsqu’il fut presque renversé par un homme d’à peu près son âge, qui se précipita aveuglément dans l’étroit débouché.

« Soyez assez bon pour regarder où vous allez, mon ami, dit doucement Robert au passant impétueux, vous devriez avertir les gens avant de les jeter par terre et de marcher sur eux. »

L’étranger s’arrêta subitement, regarda fixement l’interlocuteur, et alors reprit haleine.