Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t1.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
DE LADY AUDLEY

soin de toi-même, Phœbé ; c’est tout ce que tu as à faire. Que penserais-tu, par exemple, d’une auberge pour toi et pour moi, ma fille ? Il y a beaucoup d’argent à gagner dans une auberge. »

La jeune fille ne bougea pas, la figure détournée de celle de son amant, les mains nonchalamment pendantes sur les plis de sa robe, et ses pâles yeux gris fixés sur les dernières lueurs rouges qui s’éteignaient au loin derrière les troncs d’arbres.

« Tu devrais visiter l’intérieur de l’habitation, Luke, dit-elle, elle a l’air d’une veille ruine au dehors, mais tu verras l’appartement de milady, tout or et peintures, grandes glaces qui vont du parquet au plafond, plafonds ornés de peintures aussi, qui coûtent des centaines de livres, la gouvernante me l’a dit, et tout cela fait pour elle !

— Elle a de la chance, murmura Luke avec indifférence.

— Si tu l’avais vue, lorsque nous étions à l’étranger, avec une foule de beaux messieurs toujours pendus à ses talons ; sir Michaël n’était pas jaloux d’eux, mais fier seulement de la voir autant admirée. Si tu l’avais entendue rire et causer avec eux, leur renvoyant leurs compliments et leurs beaux discours, et eux de continuer et de l’en accabler, comme avec des roses. Elle rendait tout le monde fou partout où elle allait. Sa manière de chanter, de jouer, de danser, son délicieux sourire et ses boucles dorées, toute sa personne faisait l’unique sujet de la conversation dans l’endroit, tout le temps de notre séjour.

— Est-elle au château, ce soir ?

— Non, elle est partie avec sir Michaël pour aller dîner aux Beeches ; ils ont sept ou huit milles à faire et ils ne doivent être de retour qu’après onze heures.

— Alors, Phœbé, si l’intérieur de la maison est