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LE SECRET

mais je suppose que lorsque nous aurons économisé à nous deux assez d’argent pour acheter une ferme, tu n’iras pas tenir de beaux discours aux vaches ! »

Elle se mordit les lèvres en entendant les paroles de son amant, et détourna les yeux. Lui, continua de tailler et de couper son bâton pour façonner un manche grossier, sifflant doucement entre ses dents tout le temps, et ne jetant pas un seul regard sur sa cousine.

Ils restèrent silencieux pendant quelques instants, mais bientôt elle ajouta, la figure toujours tournée du côté opposé à son compagnon :

« Quelle belle chose pour celle qui était autrefois miss Graham, de voyager avec sa femme de chambre et son courrier dans une voiture à quatre chevaux et un mari persuadé qu’il n’y a pas un seul endroit sur la terre digne de porter les pieds de sa femme !

— Oui, c’est une belle chose, Phœbé, d’avoir beaucoup d’argent, répondit Luke, et j’espère que tout cela est un avertissement pour toi, ma chère, d’économiser tes gages pour pouvoir nous marier.

— Et qu’était-elle dans la maison de M. Dawson, il y a seulement trois mois ? continua la jeune fille, comme si elle n’avait pas entendu les paroles de son cousin, une domestique comme moi, recevant des gages et travaillant, pour les gagner, plus durement que moi. Si tu avais vu, Luke, ses pauvres robes usées, raccommodées, pleines de rentraitures, tournées et retournées, et malgré tout cela ayant bon air sur elle, je ne sais comment. Elle me donne plus ici, comme sa femme de chambre, que jamais elle a gagné chez M. Dawson ; oui !… je l’ai vue quitter le parloir avec quelques souverains et quelques pièces d’argent dans la main, que venait justement de lui donner son maître pour payer son trimestre, et maintenant, vois-la.

— Ne fais pas attention à elle, dit Luke, prends