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DE LADY AUDLEY

verdâtre ; son nez était large et bien proportionné, mais sa bouche avait une forme grossière et une expression bestiale. Avec ses joues colorées, sa chevelure fauve et son cou de taureau, il ressemblait à un des bœufs robustes qui paissaient dans les prairies des environs du château.

La jeune fille s’assit familièrement à côté de lui, sur la charpente du puits, et posa une de ses mains devenues blanches dans ses nouvelles et douces fonctions, sur son large cou.

« Es-tu content de me voir, Luke ? demanda-t-elle.

— Naturellement, je suis content, ma chère, » répondit-il d’une façon grossière, en rouvrant son couteau et recommençant à racler sa branche d’épine.

Ils étaient proches cousins, avaient été compagnons de jeu dans leur enfance, et liés d’amitié dans leur jeunesse.

« Tu ne parais pas enchanté, dit la jeune fille ; tu pourrais me regarder, Luke, et me demander si mon voyage m’a fait du bien.

— Il n’a pas mis un brin de couleur sur tes joues, ma fille, dit-il en lui lançant un regard par-dessus ses épais sourcils : tu es aussi blanche que tu l’étais la dernière fois que je t’ai vue.

— Mais on m’a dit que les voyages rendent aimable, Luke. J’ai traversé sur le continent, avec milady, des endroits curieux de tous genres, et tu sais que lorsque j’étais enfant, les filles de M. Horton m’ont appris à parler un peu français, et j’ai trouvé cela bien agréable de pouvoir me faire comprendre des gens à l’étranger.

— Aimable ! s’écria Luke Marks avec un rire dur, qui a besoin que tu sois aimable, je te le demande ? Pas moi d’abord ; lorsque tu seras ma femme, tu n’auras pas beaucoup de temps pour l’amabilité, ma fille ! Quant au français, que je sois pendu, Phœbé,