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DE LADY AUDLEY

difficultés qu’il avait surmontées, que la pâle gouvernante ne put s’empêcher, en le contemplant, d’exprimer son admiration.

« Comme vous avez été courageux ! lui dit-elle.

— Courageux ! s’écria-t-il avec un joyeux éclat de rire ; est-ce que je ne travaillais pas pour ma chérie ! Pendant tous ces cruels temps d’épreuves, sa jolie main blanche ne me montrait-elle pas le bonheur dans l’avenir ? Je la voyais sous ma mauvaise tente de toile, assise à mes côtés avec son enfant dans ses bras, aussi bien que je l’avais vue dans l’unique et heureuse année de notre vie conjugale. Enfin, par une triste et brumeuse matinée, il y a juste trois mois, mouillé jusqu’à la peau par une pluie fine, enfonçant jusqu’au cou dans la boue et la terre glaise, mourant de faim, affaibli par la fièvre, engourdi par les rhumatismes, je fis rouler sur le sol, avec ma pioche, une grosse pépite, et je découvris ainsi un filon d’une certaine importance. Quinze jours après, j’étais l’homme le plus riche de toute la petite colonie des environs. Je partis aussitôt pour Sydney, où je réalisai ma trouvaille, qui valait un peu plus de vingt mille livres. Immédiatement je m’embarquai sur ce vaisseau pour l’Angleterre, et dans dix jours… dans dix jours je reverrai ma bien-aimée.

— Mais pendant tout ce temps, n’avez-vous jamais écrit à votre femme ?

— Jamais, jusqu’à la semaine qui a précédé le départ de ce bâtiment. Lorsque tout tournait mal, je ne pouvais pas lui écrire pour lui raconter mes luttes contre le désespoir et la mort. J’attendais une meilleure fortune, et lorsqu’elle arriva, je la prévins que je serais en Angleterre presque aussitôt que ma lettre, et je lui donnai mon adresse dans une taverne de Londres où elle pût me faire parvenir une réponse et m’apprendre où je la trouverais, quoiqu’il soit peu probable qu’elle ait quitté la maison de son père. »