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LE SECRET

de moi, et j’appréhende de ne pas trouver tout au gré de mes désirs. Celui que je viens rejoindre peut avoir changé de sentiments à mon égard, ou bien, après avoir conservé jusqu’à ce moment ceux qu’il nourrissait autrefois, il peut les perdre en un instant à la vue de mon pauvre visage flétri. On me disait jolie fille, monsieur Talboys, lorsque je m’embarquai pour Sydney, il y a quinze ans. Mais le monde peut l’avoir corrompu, l’avoir rendu égoïste et intéressé, et dans ce cas il me fera bon accueil pour ce que je puis avoir économisé pendant ces quinze années. Ne peut-il pas aussi être mort ? Je pense à toutes ces choses, monsieur Talboys ; je vois passer toutes ces scènes dans mon esprit, et j’en ressens les angoisses vingt fois par jour. Vingt fois par jour ! répéta-t-elle ; je pourrais dire mille fois par jour. »

George Talboys était resté pétrifié, son cigare à la main, et l’écoutait avec tant d’attention que, comme elle prononçait les derniers mots, ses doigts se relâchèrent et son cigare tomba dans l’eau.

« Je m’étonne, continua-t-elle, s’adressant plutôt à elle-même qu’à lui, et à voix basse, je m’étonne en pensant combien j’étais pleine d’espoir lorsque le vaisseau mit à la voile ; je me représentais la joie du retour, les paroles échangées, les exclamations et les regards ; mais depuis ce dernier mois de voyage, jour par jour, heure par heure, mon courage s’affaiblit, mes espérances s’évanouissent, et je redoute l’arrivée autant que si je revenais en Angleterre pour assister à des funérailles. »

Le jeune homme changea brusquement d’attitude, et regarda en face sa compagne avec un regard alarmé. Elle vit à la lueur de la lune que ses joues avaient pâli.

« Quelle folie ! s’écria-t-il en donnant un coup de poing sur le bordage du vaisseau, quelle folie de me