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LE SECRET

çaises, quoiqu’il y eût un paquet de romans non coupés, comiques ou à sentiment, commandés un mois auparavant, et qui attendaient son bon plaisir sur une des tables. Il prit sa pipe favorite d’écume et se laissa tomber en soupirant dans son fauteuil favori.

« C’est confortable, mais cela me semble diablement solitaire ce soir. Si le pauvre George était assis en face de moi, ou… ou si même la sœur de George… elle lui ressemble extraordinairement… l’existence pourrait être un peu plus supportable. Mais quand un garçon a vécu avec lui-même pendant huit ou dix ans, il commence à être en mauvaise compagnie. »

Il partit bientôt d’un éclat de rire bruyant, comme il finissait sa pipe.

« Quelle singulière idée de penser à la sœur de George, pensa-t-il. Quel absurde idiot je fais. »

Le jour suivant, la poste lui apporta une lettre écrite d’une main ferme, mais féminine, qui lui était étrangère. Il trouva le petit paquet posé sur la table à déjeuner à côté du petit pain français chaud enveloppé dans une serviette par les mains soigneuses et tant soit peu sales de mistress Maloney. Il considéra l’enveloppe pendant quelques minutes avant de l’ouvrir, — avec quelque étonnement de son correspondant, car la lettre portait le timbre de la poste de Grange Heath, et il savait qu’il n’y avait qu’une seule personne qu’il pût présumer avec vraisemblance lui écrire de l’obscur village, mais, avec cette paresseuse rêverie qui faisait partie de son caractère :

« De Clara Talboys, murmura-t-il à voix basse, comme il examinait les lettres de son nom nettement formées sur l’adresse ; oui, de Clara Talboys, très-positivement : je reconnais la ressemblance de sa main féminine avec l’écriture de son pauvre frère, plus nette que la sienne et plus décidée, mais la même, la même. »