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DE LADY AUDLEY

du commencement à la fin. Il épouse une femme, et son père l’abandonne sans le sou et sans profession. Il apprend la mort de cette femme, et son cœur se brise, — son cœur bon, honnête, humain, valant un million des perfides blocs d’égoïsme et de calculs intéressés qui s’agitent dans la poitrine des femmes. Il va à la maison d’une femme, et on ne le revoit plus vivant. Et maintenant je me trouve moi-même acculé dans un coin par une autre femme à l’existence de laquelle je n’avais jamais songé jusqu’à ce jour. Et… et puis, rumina M. Audley presque d’une manière déplacée, il y a encore Alicia ; c’est un autre ennui. Elle voudrait que je me mariasse avec elle, je le comprends, et elle me le fera faire, j’ose le dire, avant que d’en finir avec moi ; mais j’aimerais beaucoup mieux ne pas en venir là, quoiqu’elle soit une chère, pétulante et généreuse personne : heureux soit son pauvre petit cœur ! »

Robert paya sa note et récompensa généreusement le garçon. Le jeune avocat était très-porté à distribuer son confortable petit revenu entre les gens qui le servaient, car il étendait son indifférence à toutes choses dans l’univers, même en matière de livres, de shillings et de pence. Peut-être en cela était-il presque une exception, car vous pouvez souvent remarquer que le philosophe qui parle de la vie comme d’une illusion creuse est extrêmement difficile dans le placement de son argent, et reconnaît la nature palpable des obligations de l’Inde, des certificats espagnols et des inscriptions égyptiennes, — pour contraster avec la pénible incertitude d’un moi ou d’un non-moi en métaphysique.

Les commodes petites chambres de Fig-Tree Court, avec leur arrangement et leur calme, semblèrent lugubres à Robert Audley par cette soirée particulière. Il n’avait nulle inclination pour les nouvelles fran-