Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t1.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
LE SECRET

CHAPITRE XXV

Les lettres de George.

Robert Audley ne revint pas à Southampton, mais il prit un billet pour le premier train montant qui quitta Wareham et atteignit Waterloo Bridge une heure ou deux après la tombée de la nuit. La neige, qui était dure et craquante dans le Dorsetshire, était une fange noire et grasse dans Waterloo Road, fondue par les lampes des gin-palaces et le gaz flamboyant dans les boutiques des bouchers.

Robert Audley haussa les épaules, en regardant les rues sombres dans lesquelles le faisait passer le hansom, le cocher du cab, choisissant — avec ce délicieux instinct qui semble inné dans les conducteurs de voitures de louage — les passages noirs et hideux totalement inconnus au piéton ordinaire.

« Quelle agréable chose que la vie, pensait l’avocat, quel ineffable bienfait… quelle suprême grâce ! Que chaque homme fasse une supputation de son existence, soustrayant les heures pendant lesquelles il a été foncièrement heureux… réellement et entièrement à son aise, sans une arrière-pensée pour gâter son bonheur… sans le plus petit nuage pour assom-