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DE LADY AUDLEY

Robert la regardait d’un air de tendre compassion ; elle était si bien le portrait de l’ami qu’il avait aimé et perdu, qu’il lui était impossible de la considérer comme une étrangère, impossible de se souvenir qu’ils s’étaient vus le matin pour la première fois.

« Je vous en prie, je vous en prie, calmez-vous, dit-il, espérons même contre tout espoir. Nous pouvons nous tromper l’un et l’autre, votre frère peut vivre encore.

— Oh ! s’il en était ainsi, murmura-t-elle avec ardeur, s’il pouvait en être ainsi !

— Essayons d’espérer qu’il peut en être ainsi…

— Non, répondit-elle, le regardant à travers ses larmes, n’espérons rien que le venger. Au revoir, monsieur Audley. Attendez : votre adresse. »

Il lui donna une carte, qu’elle plaça dans la poche de sa robe.

« Je vous enverrai les lettres de George, dit-elle, elles peuvent vous être de quelque secours. Au revoir. »

Elle le laissa à demi bouleversé par l’énergie passionnée de ses manières et la noble beauté de son visage. Il l’observa comme elle disparaissait derrière les troncs des sapins, puis il sortit lentement de la plantation.

« Que le ciel assiste ceux qui se dressent entre moi et le secret, pensa-t-il, car ils seront sacrifiés à la mémoire de George Talboys. »