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DE LADY AUDLEY

tercéder pour George eût été perdre sa cause ; je savais que laisser les choses dans les mains de mon père et se confier au temps, était ma seule chance de revoir mon cher frère. Et j’attendais… j’attendais patiemment, espérant toujours, car je savais que mon père aimait son fils unique. Je remarque votre sourire moqueur, monsieur Audley, et je conçois bien qu’il soit difficile pour un étranger de croire que, sous ce stoïcisme affecté, mon père cache quelque degré d’affection pour ses enfants… non pas un très-vif attachement peut-être, car il a été dirigé toute sa vie par la stricte loi du devoir. Arrêtez, dit-elle subitement en posant la main sur son bras et regardant derrière elle à travers l’avenue de pins ; je suis sortie en courant par le derrière de la maison. Papa ne doit pas m’apercevoir vous parler, monsieur Audley, et il ne faut pas qu’il voie la voiture stationner près de la porte. Voulez-vous aller sur la grande route et dire au cocher de faire avancer sa voiture jusqu’au bout du chemin ? Je sortirai par une petite porte qui est plus loin en montant, et je vous rejoindrai sur la route.

— Mais vous allez attraper froid, miss Talboys, observa Robert, la regardant d’un air inquiet, car il voyait qu’elle était toute tremblante. Vous grelottez maintenant.

— Ce n’est pas de froid, répondit-elle ; je pensais à mon frère George. Si vous avez quelque pitié pour l’unique sœur de votre ami perdu, faites ce que je vous demande, monsieur Audley. Il faut que je vous parle… il faut que je vous parle… avec calme, si je le puis. »

Elle posa la main sur son front comme si elle essayait de rassembler ses idées, puis elle montra du doigt la grille. Robert salua et la laissa. Il dit au cocher d’avancer lentement vers la station, et continua son chemin en côtoyant la barrière goudronnée qui entou-