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DE LADY AUDLEY

ce triste sujet, qu’elle entende le pire que j’ai à raconter. »

Il y eut quelques minutes de silence, durant lesquelles Robert tira quelques papiers de sa poche ; parmi eux était le document qui avait été rédigé immédiatement après la disparition de George.

« Je réclamerai toute votre attention, monsieur Talboys, dit-il ; car ce que j’ai à vous dévoiler est d’une nature pénible. Votre fils était mon ami le plus cher, cher pour plusieurs raisons. Peut-être parce que je l’ai vu et connu au moment du grand chagrin de sa vie, et qu’il restait relativement seul dans le monde… chassé d’auprès de vous, qui eussiez été son meilleur ami, privé de la seule femme qu’il eût jamais aimée,

— La fille d’un ivrogne pauvre, remarqua en passant M. Talboys.

— Fût-il mort dans son lit, comme je pense quelquefois qu’il l’eût désiré, continua Robert Audley, des suites de son chagrin, j’eusse pleuré sur lui très-sincèrement, lors même que j’eusse fermé ses yeux de ma propre main et l’eusse vu couché en repos dans sa paisible demeure. J’eusse éprouvé du chagrin pour mon vieux camarade de collège et pour le compagnon qui m’avait été si cher. Mais cette peine eût été très-peu de chose en comparaison de celle que je ressens aujourd’hui, car je ne suis que trop fermement convaincu que mon pauvre ami a été assassiné.

— Assassiné ! »

Le père et la fille répétèrent simultanément cet horrible mot. Le visage du père se couvrit d’une pâleur livide. La tête de la fille tomba sur ses mains convulsivement serrées, et ne se releva plus pendant tout le temps de l’entrevue.

« Monsieur Audley, vous êtes fou, s’écria Harcourt Talboys, vous êtes fou, ou bien, vous ayez été envoyé par votre ami pour vous jouer de mes sentiments. Je