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DE LADY AUDLEY

La jeune fille qui avait été interpellée sous le nom de Clara resta, son ouvrage soigneusement plié sur ses genoux, les mains entrelacées reposant sur son travail, et ne bougea pas tout le temps que Robert parla de la mort de son ami. Il ne pouvait voir distinctement sa figure, car elle était assise à quelque distance de lui, et tournée vers la croisée.

« Non, non, je vous assure, reprit M. Talboys ; vous êtes dans une fâcheuse erreur.

— Vous croyez que je suis dans l’erreur en pensant que votre fils est mort ? demanda Robert.

— Très-certainement, répliqua M. Talboys avec un sourire, expression du calme de la sagesse, très-certainement, mon cher monsieur ; la disparition est un subterfuge habile, sans aucun doute, mais il n’est pas suffisamment habile pour me tromper. Vous devez me permettre de comprendre cela un peu mieux que vous, monsieur Audley, et vous devez aussi me permettre de vous assurer de trois choses : en premier lieu, votre ami n’est pas mort ; en second lieu, il se tient caché à l’écart dans le dessein de m’alarmer, de mettre en jeu mes sentiments comme… comme homme qui fut autrefois son père, et d’obtenir au bout du compte mon pardon ; en troisième lieu, il n’obtiendra pas ce pardon, pour si longtemps qu’il lui plaise de se tenir caché, et il agirait donc prudemment en retournant sans délai à sa résidence ordinaire et à ses plaisirs.

— Alors vous pensez qu’il se cache avec intention, à tous ceux qui le connaissent, dans le dessein de…

— Dans le dessein de m’influencer, s’écria M. Talboys qui, puisant son jugement dans sa propre vanité, considérait chaque événement de la vie dans son centre unique, et refusait obstinément de l’examiner d’un autre point de vue. Dans le dessein de m’influencer. Il connaît l’inflexibilité de mon caractère ; à un certain degré, il connaît mon caractère, et il sait que