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LE SECRET

Harcourt Talboys s’inclina ; il savait que c’était de son fils perdu que Robert allait parler.

« Fasse le ciel que son stoïcisme glacé soit l’affectation mesquine d’un homme vaniteux plutôt qu’un manque complet de cœur ! » pensa Robert.

Il fit une inclination de tête à son visiteur derrière le bout de ses doigts, et Junius Brutus fut satisfait de lui-même.

« J’ai reçu votre communication, monsieur Audley, dit-il ; elle est classée parmi d’autres lettres d’affaires ; il y a été répondu régulièrement.

— Cette lettre concernait votre fils. »

Il y eut un petit frôlement à la croisée où était assise la dame au moment où Robert dit ces mots. Il regarda de son côté instantanément, mais elle ne semblait pas avoir remué ; elle ne tremblait pas, et elle était parfaitement calme.

« Elle est aussi dépourvue de cœur que son père, je crois, quoiqu’elle ressemble à George, pensa M. Audley.

— Votre lettre concernait la personne qui fut autrefois mon fils, peut-être, monsieur, dit Harcourt Talboys. Je dois vous prier de vous souvenir que je n’ai plus de fils.

— Vous n’avez aucune raison de me le rappeler, monsieur Talboys, répondit gravement Robert ; je ne m’en souviens que trop bien. J’ai une fatale raison de croire que vous n’avez plus de fils. J’ai un cruel motif de penser qu’il est mort. »

Il se peut que le teint de M. Talboys fût passé à une nuance plus pâle que le buffle, tandis que Robert prononçait ces paroles ; mais il s’était contenté d’élever le poil hérissé de ses sourcils gris, et de secouer doucement la tête.

« Non, dit-il, non ; je vous assure, non.

— Je crois que George Talboys est mort dans le mois de septembre. »