Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t1.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
DE LADY AUDLEY

naire allait s’accomplir ; mais la vérité se fit jour à la fin, et il se laissa aller sur le siège massif.

« Vous pouvez attendre, Wilson, dit M, Talboys, comme le domestique se disposait à se retirer ; M. Audley prendra peut-être du café. »

Robert n’avait rien mangé le matin ; mais il jeta un coup d’œil sur la longue étendue de la triste nappe, sur le service à thé et à café en argent, sur la splendeur austère et la très-maigre apparence de quelque substantielle chère, et il refusa l’invitation de M. Talboys.

« M. Audley ne veut pas prendre de café, Wilson, dit le maître de la maison ; vous pouvez vous retirer. »

L’homme s’inclina et sortit, ouvrant et fermant la porte avec autant de précaution que s’il se fût permis une grande liberté en agissant ainsi, ou que le respect dû à M. Talboys exigeât qu’il disparût directement à travers le panneau de chêne comme un fantôme des contes allemands.

M. Harcourt Talboys resta, ses yeux gris fixés sévèrement sur son visiteur, ses coudes appuyés sur le maroquin rouge des bras de son fauteuil, et les extrémités de ses doigts réunies. C’était l’attitude dans laquelle, eût-il été Junius Brutus, il se fût assis au procès de ses fils. Si Robert Audley eût été facile à embarrasser, M. Talboys eût réussi à le troubler en se posant ainsi ; mais comme le jeune homme serait volontiers resté avec une tranquillité parfaite sur un baril de poudre à canon à allumer son cigare, il ne fut pas le moins du monde ému en cette occasion. La dignité du père lui paraissait une chose très-minime quand il pensait aux causes possibles de la disparition du fils.

« Je vous ai écrit il y a quelque temps, monsieur Talboys, » dit-il avec calme, quand il vit que celui-ci attendait qu’il entamât la conversation.