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LE SECRET

l’intérieur et à l’extérieur de l’habitation en briques rouges.

Quelques personnes ont assez de faiblesse d’esprit pour aimer les peintures et les statues. M. Harcourt Talboys était bien trop pratique pour donner dans des fantaisies aussi absurdes. Un baromètre et un porte-parapluies étaient les seuls ornements de son vestibule.

Robert considérait ces meubles pendant que l’on soumettait son nom au père de George.

Le domestique à la veste de toile revint bientôt. C’était un homme maigre, au visage pâle, de quarante ans à peu près, et qui avait l’air d’avoir foulé aux pieds toute émotion à laquelle l’humanité peut être sujette.

« Si vous voulez venir par ici, monsieur, dit-il, M. Talboys vous recevra, quoiqu’il soit à déjeuner. Il m’a prié de constater qu’il pensait que tout le monde dans le Dorsetshire était au courant de l’heure de son déjeuner. »

Ces mots étaient dits dans l’intention de lancer un superbe reproche à M. Robert Audley. Ils firent pourtant un très-mince effet sur le jeune avocat. Il leva purement ses sourcils en signe d’indifférence de lui-même et des autres.

« Je n’habite pas le Dorsetshire, dit-il. M. Talboys aurait pu savoir cela, s’il m’avait fait l’honneur d’exercer sa puissance de raisonnement. Conduisez-moi, mon ami. »

L’homme sans émotions jeta sur Robert Audley un froid regard d’horreur non déguisé, ouvrit une des lourdes portes en chêne et l’introduisit dans une vaste salle à manger meublée avec la sévère simplicité d’un appartement dans lequel on a l’intention de manger et non de vivre habituellement. Au bout d’une table qui aurait pu contenir dix-huit personnes, Robert Audley aperçut M. Harcourt Talboys.