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DE LADY AUDLEY

M. Talboys avait pris une aversion extrême pour le désordre et était la terreur de tous ses domestiques.

Les fenêtres étincelaient, et les marches du perron de pierre scintillaient au soleil ; les principales allées du jardin étaient si fraîchement couvertes de gravier qu’elles donnaient à ce lieu un aspect sablonneux et de gingembre, rappelant une désagréable chevelure de couleur rouge. La pelouse était ornée principalement de noirs arbrisseaux d’un aspect funéraire, plantés en carrés qui ressemblaient à des formules d’algèbre, et le perron en pierre conduisant à la porte carrée à demi vitrée du vestibule était bordé de caisses en bois vert foncé contenant les mêmes vigoureux arbrisseaux toujours verts.

« Si l’homme a quelque ressemblance avec sa maison, pensa Robert, je ne m’étonne pas que le pauvre George et lui se soient séparés. »

À l’extrémité d’une maigre avenue, le chemin pour les voitures faisait un angle droit (il eût été tracé en courbe sur le terrain de tout autre individu) et passait devant les fenêtres inférieures de la maison. Le cocher descendit devant le perron, monta les marches et sonna, à l’aide d’une poignée de cuivre qui rentra dans son emboîture avec un bruit de ressort irrité, comme s’il eût reçu un affront par le contact plébéien de la main de cet homme.

Un domestique en pantalon noir et en veste de toile rayée, qui sortait évidemment depuis peu des mains de la blanchisseuse, ouvrit la porte. M. Talboys était à la maison. Le gentleman voulait-il lui faire remettre sa carte ?

Robert attendit dans la salle d’attente que sa carte fût portée au maître de la maison.

Ce vestibule était spacieux, élevé, pavé de pierre. Les panneaux de la boiserie en chêne brillaient du même poli rigoureux qui reluisait sur chaque objet à