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LE SECRET

quante ans, grand, osseux, droit et anguleux, avec une figure carrée et pâle, des yeux gris-clair, et de courts cheveux noirs, ramenés par la brosse, de chaque oreille sur une couronne chauve, ce qui donnait à sa physionomie quelque faible ressemblance avec celle d’un terrier, — un rude, peu accommodant terrier à tête dure, — un terrier à ne pouvoir être pris par le plus habile voleur de chiens qui se soit jamais distingué dans sa profession.

Personne ne se souvenait d’avoir jamais aperçu ce qui est vulgairement appelé le défaut de la cuirasse d’Harcourt Talboys. Il ressemblait à la construction barrée, faisant face au nord, de sa demeure sans ombrages. Il n’y avait dans son caractère aucun pli caché dans lequel on pût se glisser pour se mettre à l’abri de sa dure clarté. Il était tout lumière. Il considérait toute chose avec le même regard ouvert de son intelligence lumineuse, et n’aurait supporté aucune ombre adoucissante qui aurait pu altérer les durs contours des événements cruels, dût-elle les embellir. Je ne sais si j’exprime ce que je pense, en disant qu’il n’y avait pas de courbes dans son caractère ; que son esprit allait en ligne droite, ne déviant jamais à droite ou à gauche pour arrondir ses angles inflexibles. Avec lui le vrai était le vrai, et le faux était le faux. Il n’avait jamais eu, dans son impitoyable et consciencieuse existence, l’idée que les circonstances pussent mitiger la gravité d’un tort ou affaiblir la force du droit. Il avait chassé de sa présence son fils unique, parce que son fils unique lui avait désobéi, et il était prêt à chasser sa fille unique après cinq minutes d’examen pour la même raison.

Si cet homme, carrément construit et entêté, eût pu être possédé d’une faiblesse telle que la vanité, il eût certainement été vain de sa dureté ; il eût été vain de cette inflexible carrure d’intelligence qui faisait de lui