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CHAPITRE II

À bord de l’Argus

Il lança le bout de son cigare dans l’eau, et, s’accoudant sur le bordage du bâtiment, il contempla les vagues.

« Ah ! qu’elles sont monotones, dit-il, bleues, vertes et opales ; opales, bleues et vertes ; ma foi, elles sont très-belles dans leur genre, mais les voir pendant trois mois, c’est beaucoup trop, surtout… »

Il n’essaya pas de terminer sa phrase ; sa pensée sembla se perdre au milieu des flots et le transporter à mille lieues ou même plus loin.

« Pauvre chère petite, quelle joie ! murmura-t-il en ouvrant son porte-cigares et en examinant nonchalamment le contenu ; quelle joie et quelle surprise ! Pauvre chère petite ! Après trois ans et demi ; aussi elle sera bien étonnée. »

Celui qui parlait ainsi était un jeune homme d’environ vingt-cinq ans, grand et bien bâti, au visage bronzé par le soleil, aux yeux bruns qui laissaient échapper une tendre expression à travers leurs cils noirs ; une moustache et une barbe épaisses couvraient toute la partie inférieure de son visage. Il portait un