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LE SECRET

de son vieux protecteur, poussa un gémissement terrible, et déclara qu’il ne voulait jamais le quitter

« Monsieur Maldon, dit Robert Audley d’un ton qui était moitié triste, moitié plein de compassion, quand j’ai considéré ma position, la nuit dernière, je ne croyais pas que je pusse jamais venir à penser que je trouverais cela plus pénible que je le pensais alors. Je ne puis dire qu’une chose… que Dieu ait pitié de nous tous. Je crois de mon devoir d’emmener l’enfant, mais je le conduirai directement de votre maison à la meilleure pension de Southampton, et je vous donne ma parole d’honneur que je n’essayerai pas de l’arracher à son innocente simplicité qui puisse en aucune façon… J’atteste, dit-il en s’interrompant brusquement, j’atteste que… Je ne chercherai pas à avancer d’un pas vers le secret en le questionnant. Je… je ne suis pas un officier de justice, et je ne pense pas que l’officier de justice le plus consommé voulût obtenir ses informations d’un enfant. »

Le vieillard ne répondit pas ; il restait assis, la figure cachée d’une main et sa pipe éteinte entre les doigts de l’autre.

« Enlevez l’enfant, mistress Plowson, dit-il après un instant, enlevez l’enfant et mettez-lui ses affaires. Il doit aller avec M. Audley.

— Ce que j’affirme, c’est que ce n’est pas aimable de la part de ce gentleman d’enlever son mignon chéri à grand-papa, s’écria mistress Plowson subitement, avec une indignation pleine de respect.

— Paix, mistress Plowson, répondit le vieillard d’un ton digne de pitié, M. Audley est le meilleur juge. Je… je… n’ai pas beaucoup d’années à vivre, et je ne serai plus longtemps un embarras pour personne. »

Les pleurs filtraient lentement à travers les doigts sales avec lesquels il cachait ses yeux injectés de sang, en prononçant ces paroles.