Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t1.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
LE SECRET

mise en danger par son action criminelle ; qu’elle parte… elle ne sera pas poursuivie. Mais si on fait peu de cas de votre avertissement… si on essaye de conserver la position qu’on occupe actuellement, comme un défi à ce que vous pourrez dire… qu’on prenne garde à moi ; car, lorsque l’heure sera venue, je jure de n’épargner personne. »

Le vieillard releva la tête pour la première fois, et essuya sa figure ridée avec un foulard de soie déchiré.

« Je vous déclare que je ne vous comprends pas, dit-il. Je vous déclare solennellement que je ne puis vous comprendre, et que je ne crois pas que George Talboys soit mort.

— Je donnerais dix années de ma propre vie si je pouvais le voir vivant, répondit tristement Robert. Je suis fâché pour vous, monsieur Maldon… je suis fâché pour nous tous.

— Je ne crois pas que mon gendre soit mort, dit le lieutenant, je ne crois pas que le pauvre garçon soit mort. »

Il s’efforçait faiblement de prouver à Robert Audley que son extravagante explosion de douleur avait été causée par le chagrin qu’il éprouvait de la perte de George Talboys ; mais ce prétexte était misérable.

Mistress Plowson rentra dans le salon, conduisant le petit Georgey, dont le visage brillait de ce poli éclatant que le savon jaune et le frottement peuvent produire sur la figure humaine.

« Cher cœur de ma vie ! s’écria mistress Plowson, que pouvait donc avoir le pauvre vieux gentleman ? Nous l’entendions dans le corridor sangloter terriblement. »

Le petit Georgey grimpa sur son grand-père et caressa sa face ridée, mouillée de pleurs, de sa petite main d’enfant.

« Ne pleurez pas, grand-papa, dit-il, ne pleurez pas.