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LE SECRET

J’ai accompli tout cela scrupuleusement, avec persévérance ; en premier lieu, même avec beaucoup d’espoir. Maintenant je comprends qu’il est mort ! »

Robert Audley s’était attendu à quelque agitation extraordinaire dans les manières du vieillard, mais il n’était pas préparé à la terrible détresse, à la terreur affreuse qui bouleversa la figure effarée de M. Maldon lorsqu’il articula les derniers mots.

« Non… non… non… non… répéta le lieutenant d’une voix glapissante à demi criarde, non… non ! pour l’amour de Dieu, ne dites pas cela !… ne pensez pas cela !… ne me laissez pas penser cela !… ne me laissez pas rêver à cela !… pas mort… n’importe quoi, mais pas mort… tenu caché, peut-être…, séquestré, gardé à l’écart, peut-être, mais pas mort…, pas mort…, pas mort ! »

Il prononça ces paroles en criant, comme une personne hors d’elle-même, frappant de ses mains sa tête grise, et se balançant d’arrière en avant sur sa chaise. Ses mains débiles ne tremblaient plus…, elles étaient raidies par quelque force convulsive qui leur donnait une puissance nouvelle.

« Je crois, dit Robert, de la même voix solennelle et impitoyable, que mon ami n’a pas quitté l’Essex ; et je crois qu’il est mort le 7 septembre dernier. »

Le misérable vieillard, frappant toujours de ses mains sa rare chevelure grise, glissa de sa chaise sur le plancher et s’accroupit aux pieds de Robert.

« Oh ! non, non… pour l’amour de Dieu, non ! cria-t-il d’une voix rauque, non, vous ne savez pas ce que vous dites…, vous ne savez pas ce que vous voulez me faire croire…, vous ne savez pas la signification de vos paroles !

— Je ne connais leur poids et leur valeur que trop bien, aussi bien que je vous vois, monsieur Maldon ; que Dieu nous garde tous.