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DE LADY AUDLEY

mariage. L’auteur de cette lettre paternelle ajoutait en post-scriptum, que si M. George Talboys avait eu quelque méprisable dessein d’alarmer ses amis par cette disparition prétendue, et par suite de mettre en jeu leurs sentiments dans le but d’en tirer un avantage pécuniaire, il s’était énormément trompé sur le caractère des personnes auxquelles il avait affaire.

Robert Audley avait répondu à cette lettre par quelques lignes indignées, informant M. Talboys qu’il était peu croyable que son fils se cachât pour accomplir quelque dessein bassement tramé contre les poches de ses parents, car il avait laissé vingt mille livres dans les mains de son banquier au moment de sa disparition. Après avoir expédié cette lettre, Robert avait abandonné tout espoir de recevoir assistance de l’homme qui, dans l’ordre naturel des choses, aurait dû être le plus intéressé au destin de George ; mais aujourd’hui qu’il se trouvait avancer lui-même chaque jour d’un pas vers la fin qui se présentait si noire devant lui, son esprit retournait à ce M. Harcourt Talboys si indifférent et si dénué de cœur.

« J’irai dans le Dorsetshire après mon départ de Southampton, dit-il, pour voir cet homme. S’il est satisfait de laisser le sort de son fils plongé dans l’ombre et dans le cruel mystère qui l’enveloppe pour tous ceux qui l’ont connu… s’il est satisfait de descendre dans la tombe, incertain de la fin de ce pauvre ami… pourquoi essayerais-je de débrouiller l’écheveau emmêlé, d’adapter les pièces de la terrible intrigue, et de mettre ensemble les fragments épars qui, réunis, peuvent former un certain tout hideux ? Je veux aller à lui et émettre franchement, en sa présence, mes soupçons les plus terribles. Ce sera à lui de dire ce que je dois faire. »

Robert Audley partit par un express matinal pour Southampton. La neige s’étendait en couches blanches