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LE SECRET

chées de piqûres ; les costumes étaient étrangers et grotesques, les beautés flétries et communes. Les petites légendes en vers même (dans lesquelles la faible flamme du poète jetait sa triste clarté sur les intentions obscures de l’artiste) avaient une saveur de vieille mode, comme les accords d’une harpe dont les cordes seraient détendues par l’action humide du temps. Robert Audley ne s’arrêta pas à lire quelqu’une de ces productions doucereuses. Il parcourut rapidement les feuillets, cherchant quelque morceau d’écriture ou quelque fragment de lettre qui eût pu avoir été employé pour servir de marque. Il ne trouva rien qu’une belle boucle de cheveux dorés, de cette brillante nuance qu’on voit rarement ailleurs que sur la tête d’un enfant… une boucle lumineuse qui s’enroulait naturellement comme une vrille de vigne, et était d’une contexture très-opposée, quoique de nuance semblable à la soyeuse et plate tresse que la propriétaire de Ventnor avait donné à George Talboys après la mort de sa femme. Robert Audley suspendit son examen, et plia cette boucle blonde dans une feuille de papier à lettre, qu’il scella du cachet de sa bague, et la posa à part, avec le mémorandum concernant George Talboys et la lettre d’Alicia dans le casier étiqueté Important. Il allait replacer le gros annuaire parmi les autres livres, lorsqu’il s’aperçut que les deux feuillets blancs du commencement étaient collés ensemble. Il était si résolu à poursuivre ses investigations jusqu’à la dernière limite, qu’il prit la peine de séparer ces feuillets avec l’extrémité tranchante de son couteau à papier, et il fut récompensé de sa persévérance en trouvant une inscription sur l’un d’eux. Cette inscription était en trois parties et de trois écritures différentes. Le premier paragraphe était daté de l’année même où l’annuaire avait été publié, et constatait que le livre était la propriété d’une certaine miss