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DE LADY AUDLEY

tâche qui lui avait été imposée, et se soumettant à une main plus puissante que la sienne pour lui indiquer le chemin qu’il devait poursuivre. Peut-être, dans ses réflexions, prononça-t-il cette même nuit sa première fervente prière, assis à côté du foyer solitaire, en pensant à George Talboys. Lorsqu’il releva la tête après cette longue et silencieuse rêverie, ses yeux avaient un regard brillant et déterminé, et chaque trait de son visage semblait avoir une expression nouvelle.

« Justice pour le mort premièrement, dit-il ; pitié pour les vivants ensuite. »

Il roula son fauteuil vers la table, arrangea la lampe et se disposa à procéder à l’examen des livres.

Il les prit l’un après l’autre, et les inspecta attentivement, regardant d’abord la page sur laquelle est ordinairement inscrit le nom du propriétaire, puis recherchant quelque morceau de papier qui eût pu être laissé dans l’intérieur des feuillets. À la première page de la grammaire latine d’Eton, le nom de master Talboys était écrit d’une main qui sentait l’écolier commençant ; la brochure française avait un G. T., négligemment tracé au crayon sur la couverture, de la grosse et lâche écriture de George ; le Tom Jones avait été évidemment acheté à l’étalage d’un bouquiniste et portait une inscription datée du 14 mars 1788 indiquant que l’ouvrage était un tribut respectueux adressé à M. Thomas Scrowton par son obéissant serviteur James Anderley ; le Don Juan et l’Ancien Testament étaient blancs. Robert Audley respira plus librement ; il était arrivé au dernier des livres, sauf un, sans aucune espèce de résultat, et il ne restait plus que le gros volume relié en rouge avec des dorures fanées à examiner, pour que sa tâche fût finie.

C’était un annuaire de l’année 1845. Les gravures sur cuivre, représentant les charmantes ladies qui avaient brillé à cette époque, étaient jaunies et ta-