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DE LADY AUDLEY

à voir les gens du peuple se divertir. Bonsoir, monsieur White… bonsoir… mesdames. »

Il tira son chapeau aux messieurs et aux dames, les voisins, qui étaient grandement émerveillés de ses maximes aisées et de sa belle tournure, et quitta la boutique.

« Et ainsi, murmura-t-il en lui-même tandis qu’il retournait à son appartement, « et après cela elle s’éloigna aussi gracieuse que possible. » Qui était la personne qui s’éloigna ? et quelle était l’histoire que le serrurier était en train de raconter quand je l’ai interrompu à cette phrase ? Oh ! George Talboys, George Talboys, réussirai-je jamais à faire un pas de plus dans la connaissance du secret de votre destin ? En approcherai-je aujourd’hui davantage, lentement et sûrement ? Le rayon se raccourcira-t-il de plus en plus jusqu’au point de tracer un cercle lugubre autour de la demeure de ceux que j’aime ? Comment tout cela finira-t-il ? »

Il soupira d’un air fatigué en regagnant lentement son appartement solitaire à travers les terrains détrempés du Temple.

Mistress Maloney lui avait préparé ce dîner de garçon qui, quoique excellent et nutritif en lui-même, n’a pas droit au charme spécial de la nouveauté. Elle avait fait cuire pour lui une côtelette de mouton, qui était tenue chaudement entre deux plats sur la petite table, près du feu.

Robert Audley poussa un soupir en s’asseyant devant le mets familier, et en se ressouvenant de la cuisine de son oncle avec un vif chagrin plein de regrets.

« Les côtelettes à la Maintenon faisaient paraître le mouton supérieur au mouton ; un mets sublime, qu’on pourrait à peine croire venir d’une bête à laine de ce monde ! murmura-t-il sentimentalement ; et les côte-