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LE SECRET

loney pour me procurer la clef ; mais bientôt, en voyant les serrures de vos chambres, je me suis dit : « Les serrures du gentleman ne sont pas dérangées, le gentleman n’a nullement besoin de faire réparer ses serrures.

— Mais vous êtes resté une demi-heure.

— Oui, monsieur, parce qu’il y avait une serrure dérangée… à la porte la plus proche de l’escalier… et je l’ai enlevée pour la nettoyer, et ensuite je l’ai remise en place. Je ne vous demande rien pour cet ouvrage, et j’espère que vous serez bon pour passer sur la méprise qui a eu lieu, chose qui ne m’était jamais arrivée depuis trente ans au mois de juillet prochain que je travaille, et…

— Rien de ce genre n’est jamais arrivé auparavant, dit Robert gravement. Non, c’est tout à fait une espèce particulière de besogne, qui vraisemblablement ne se présente pas chaque jour. Vous êtes en train de vous divertir ce soir, je vois, monsieur White. Vous avez donné un bon cou de collier aujourd’hui… ou plutôt je parierais… que vous avez eu un coup de chance, et vous faites ce qu’on appelle un bon régal, eh ? »

Robert Audley, en parlant, regardait en face l’homme à la figure barbouillée. Le serrurier n’était pas un individu de mauvaise apparence, et il n’y avait rien de bien remarquable sur son visage, hors la saleté, et cela, comme dit la mère d’Hamlet, is common ; mais nonobstant cela, les cils de M. White se baissèrent en présence du regard calme et scrutateur du jeune homme, et il balbutia quelques paroles en forme d’apologie sur les messieurs et dames ses voisins, et sur le vin de Porto et sur le sherry, avec autant de trouble que si, lui, honnête artisan d’un pays libre, eût été obligé de s’excuser envers M. Robert Audley d’être surpris à se divertir dans son propre parloir.

Robert l’interrompit d’un signe de tête nonchalant.

« Ne vous excusez pas, je vous en prie, dit-il, j’aime