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LE SECRET

Mistress Maloney fixa son maître avec une expression mêlée de surprise et d’alarme.

« Pour sûr, il n’y avait pas grand’chose à voler, votre honneur, en dehors des oiseaux et des géraniums, et…

— Non, non, je comprends : c’est assez, mistress M… Dites-moi où demeure cet individu, et je vais aller le trouver.

— Mais vous prendrez bien quelque chose du dîner d’abord, monsieur ?

— Je veux aller voir le serrurier avant de songer au dîner. »

Il prit son chapeau en annonçant sa détermination, et il se dirigea vers la porte.

« L’adresse de l’homme, mistress M… »

La vieille Écossaise l’accompagna jusqu’à une petite rue derrière l’église de Saint-Bride, et de là Robert continua tranquillement son chemin dans l’espèce de boue noirâtre que les bons habitants de Londres appellent de la neige.

Il trouva le serrurier, et, au préjudice de la forme de son chapeau, parvint à entrer, par une porte basse et étroite, dans une petite boutique ouverte. Un jet de gaz brûlait dans la croisée sans vitrage, et il y avait très-joyeuse compagnie dans la petite pièce derrière la boutique. Personne ne répondit au holà ! de Robert, et la raison en était suffisamment claire. La joyeuse compagnie était si absorbée dans sa réjouissante occupation, qu’elle était sourde à toutes les interpellations vulgaires du monde extérieur, et ce fut seulement quand Robert, pénétrant plus avant dans la petite boutique caverneuse, eut assez d’audace pour ouvrir la porte à moitié vitrée qui le séparait de la joyeuse société, qu’il réussit à attirer son attention.

À l’ouverture de la porte, un tableau plein de gaieté, ressemblant à une peinture de l’école de Téniers, s’offrit à la vue de Robert Audley.