Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t1.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
LE SECRET

déserte, il fut surpris d’apercevoir un brougham montant lentement la côte.

« Je me demande quel pauvre diable a l’esprit assez tourmenté pour ne pas rester au logis par une matinée pareille, » murmura-t-il en retournant à son fauteuil à côté du feu.

Il était à peine assis depuis quelques minutes, lorsque Phœbé Marks entra dans la chambre pour annoncer lady Audley.

« Lady Audley ! Priez-la d’entrer, » dit Robert.

Puis, Phœbé ayant quitté la chambre pour y introduire la visite inattendue, il murmura entre ses dents :

« Un faux mouvement, milady, et un mouvement auquel je ne me serais pas attendu de votre part. »

Lucy Audley était rayonnante par cette neigeuse et glaciale matinée de janvier. Les nez des autres auraient été fortement assaillis par les doigts cruels de son affreuse majesté la glace, mais non pas celui de milady ; les lèvres des autres auraient passé du pâle au bleu sous l’influence glacée de la rude température, mais le joli petit bouton de rose de la bouche de milady conservait ses couleurs les plus brillantes et sa fraîcheur la plus riante.

Elle était enveloppée dans les mêmes fourrures que Robert Audley lui avait rapportées de Russie, et elle portait un manchon qui parut être au jeune homme presque aussi gros qu’elle.

Elle avait l’apparence d’une petite créature enfantine, chétive et tournant au baby ; Robert la considérait avec une certaine nuance de pitié dans les yeux, tandis qu’elle s’approchait du foyer près duquel il était debout, et qu’elle réchauffait ses petits doigts gantés à la flamme.

« Quelle matinée, monsieur Audley ! dit-elle, quelle matinée !