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DE LADY AUDLEY

dame pour aller y voir. Tu es devenue bien subitement inquiète sur cette porte de la brasserie. Je suppose que tu n’as pas l’intention de m’empêcher d’ouvrir la bouche pour répondre à ce gentleman qui est là ? Oh ! tu n’as pas besoin de me regarder en fronçant le sourcil pour me faire cesser de parler ! Tu es toujours à placer ton mot dans mes phrases et à les rogner avant que je les aie à moitié terminées ; mais je ne veux pas supporter cela, entends-tu ? Je ne veux pas le supporter. »

Phœbé Marks haussa les épaules, plia son ouvrage, ferma son nécessaire, et, croisant ses mains sur sa poitrine, resta ses yeux gris fixés sur la face de taureau de son mari :

« Alors, vous ne vous souciez pas beaucoup de vivre à Mount Stanning ? dit Robert poliment, comme s’il était désireux de changer le sujet de la conversation.

— Oh ! certainement non, répondit Luke, et je me soucie peu qu’on le sache ; et si, comme je vous l’ai déjà dit, les gens que cela regarde n’avaient pas été des ladres si fieffés, j’aurais pu avoir une auberge dans une ville à marché, au lieu de cette vieille baraque démolie dans laquelle un homme a ses cheveux emportés de la tête pendant les jours de vent. Qu’est-ce que cinquante livres ou même cent livres ?…

— Luke ! Luke !

— Non, tu ne réussiras pas à fermer ma bouche avec tous tes Luke ! Luke ! répondit M. Marks à la remontrance de sa femme. Je le répète de nouveau, qu’est-ce que cent livres ?

— Rien, répondit Robert Audley, parlant avec une merveilleuse netteté et adressant ses paroles à Luke Marks, tout en fixant ses yeux sur le visage inquiet de Phœbé. Qu’est-ce, en vérité, que cent livres pour un homme possédant le pouvoir que vous avez, ou plutôt que votre femme a sur la personne en question ? »