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LE SECRET

et quand tu la verras, tu lui remettras ceci en mains propres.

— Oui, madame.

— Tu n’oublieras pas ?

— Non, madame.

— Alors, va-t’en. »

L’enfant n’attendit pas un second ordre de départ, et il fut en un instant sur la grande route, courant vers la descente rapide qui conduit à Audley.

Phœbé Marks se mit à la croisée, et suivit au dehors la forme noire de l’enfant qui se hâtait à travers l’obscurité de la soirée d’hiver.

« Si sa venue ici cache quelque mauvais dessein, pensait-elle, milady saura la nouvelle à temps, quoi qu’il arrive. »

Phœbé elle-même apporta le plateau à thé soigneusement disposé, et le petit plat couvert de jambon et d’œufs, qui avaient été préparés pour son hôte inattendu. Ses cheveux, d’un blond pâle, étaient aussi bien tressés, et sa robe gris clair ajustée avec autant de précision qu’autrefois. Les mêmes teintes neutres envahissaient sa personne et son costume ; pas de rubans aux couleurs voyantes, pas de robe de soie faisant frou-frou pour proclamer la prospérité de la femme de l’aubergiste. Phœbé Marks était une personne qui n’avait pas perdu son cachet d’individualité. Silencieuse et contenue, elle semblait tout tenir d’elle-même et n’emprunter aucune couleur au monde extérieur.

Robert l’examinait avec attention tandis qu’elle étendait la nappe et tirait la table plus près du feu.

« Voilà, pensait-il, une femme capable de garder un secret. »

Les chiens jetaient des regards presque soupçonneux sur le visage calme de mistress Marks, qui glissait doucement, dans la pièce, de la théière à la boîte