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DE LADY AUDLEY

— Rude, non, Lucy. Je l’ai laissé en train de fumer sous l’allée des tilleuls. Je vais aller lui dire de quitter la maison dans une heure. »

Ainsi, dans cette avenue aux arbres dépouillés, sous les ombrages épais de laquelle George Talboys avait stationné dans cette soirée orageuse qui précéda le jour de sa disparition, sir Michaël Audley dit à son neveu que le château n’était pas un lieu bon pour lui, et que milady était trop jeune et trop jolie pour accepter les petits soins d’un beau neveu de vingt-huit ans.

Robert se contenta de hausser les épaules et de lever ses épais sourcils noirs, tandis que sir Michaël lui insinuait ces remarques avec délicatesse.

« En effet, j’ai eu de l’attention pour milady, dit-il, elle m’intéresse vivement, elle m’intéresse étrangement ; » et puis, avec un changement dans la voix et une émotion qui lui était peu habituelle, il se tourna vers le baronnet, et, saisissant sa main, s’écria : « À Dieu ne plaise, mon cher oncle, que j’apporte jamais le chagrin dans un cœur aussi noble que le vôtre ! À Dieu ne plaise que la plus légère ombre de déshonneur tombe jamais sur votre tête honorée, et au moins que cela ne soit pas de mon fait. »

Le jeune homme prononça ces quelques mots d’une voix faible et entrecoupée que sir Michaël ne lui connaissait pas ; puis, détournant la tête, il s’éloigna d’un air abattu.

Il quitta le château à la nuit, mais il n’alla pas loin. Au lieu de prendre le train du soir pour Londres, il monta droit au petit village de Mount Stanning, et, entrant dans l’auberge proprement tenue, il demanda à Phœbé si elle pourrait lui fournir un appartement.