Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t1.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
DE LADY AUDLEY

que le jeune homme montât sur son cheval dans la cour.

« J’en suis fâché, Towers, dit-il ; vous êtes le meilleur garçon qui puisse jamais exister, et vous auriez fait un excellent mari pour ma fille. Mais vous savez qu’il y a un cousin, et je crois que…

— Ne me dites pas cela, sir Michaël, interrompit énergiquement le chasseur de renards. Je puis passer par-dessus n’importe quoi, mais pas sur cela. Un individu dont la main appuyée sur la gourmette pèse presque une demi-tonne (oui, il a mis en pièces la bouche de Cavalier, sir Michaël, le jour où vous lui avez laissé monter ce cheval), un individu qui rabat son col de chemise et mange du pain avec de la marmelade !… Non, non, sir Michaël, il y a des choses étranges dans le monde, mais je ne puis penser cela de miss Audley. Il doit y avoir quelqu’un sur le tapis, mais ce ne peut être le cousin. »

Sir Michaël secoua la tête comme partait l’amoureux repoussé.

« Je ne comprends rien à cela, murmura-t-il ; Bob est un excellent garçon, et la jeune fille pourrait faire un plus mauvais choix ; mais il recule comme s’il ne se souciait pas d’elle. Il y a là quelque mystère… il y a là quelque mystère ! »

Le vieux baronnet faisait ses réflexions de ce ton à demi indifférent que nous employons pour parler des affaires d’autrui. Les ombres d’un rapide crépuscule d’hiver, se condensant sous le plafond bas du vestibule recouvert de chêne et sous le cintre élégant de la porte d’entrée en arceau, entouraient sa tête d’une obscurité profonde ; mais la lumière de sa vie décroissante, sa belle et jeune femme chérie, était près de lui, et il ne voyait plus d’ombres lorsqu’elle était à ses côtés.

Elle traversa en sautillant le vestibule pour venir le