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DE LADY AUDLEY

j’ai bonne envie de courir après lui et de lui dire…

— Que vous vous rétractez et que vous consentez à devenir lady Towers ?

— Oui.

— Ne faites pas cela, Alicia, ne faites pas cela, dit Robert Audley, saisissant le petit poignet gracieux de sa cousine, et la conduisant en haut de l’escalier ; venez avec moi dans le salon, Alicia, ma pauvre petite cousine, ma charmante, impétueuse, tourmentante petite cousine, asseyez-vous là, près de cette croisée à meneaux, et parlons sérieusement et sans nous quereller, si nous pouvons. »

Les cousins avaient le salon à eux seuls. Sir Michaël était dehors, milady dans son appartement et le pauvre sir Harry Towers se promenait de long en large sur le gravier de l’allée, caché par les ombres vacillantes des branches dépouillées, par cette brillante et froide journée d’hiver.

« Ma chère petite Alicia, dit Robert aussi tendrement que s’il se fût adressé à quelque enfant gâté, supposez-vous que parce que l’on ne porte pas des flacons de sels, ou qu’on ne sépare pas ses cheveux de travers, et qu’on ne se conduit pas à la façon de maniaques beaux diseurs qui veulent prouver la violence de leur passion…, supposez-vous à cause de tout cela, Alicia Audley, que l’on ne puisse être aussi sensible au mérite d’une chère petite jeune fille, au cœur bouillant et affectionné, que ne le sont tous ceux qui l’entourent ? La vie est une chose si ennuyeuse que, lorsque tout est dit et fait, on fait aussi bien de jouir tranquillement des biens qu’elle peut donner. Je ne pousse pas de grandes exclamations parce que je puis acheter de bons cigares au coin de Chancery Lane, et que j’ai une chère et bonne jeune fille pour cousine ; mais je n’en suis pas moins reconnaissant à la Providence de ce que cela est ainsi. »