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LE SECRET

Savez-vous ce que c’est qu’une preuve par induction, miss Audley ?

— Non, répliqua Alicia, lançant à son cousin un regard pareil à celui qu’une jeune et magnifique panthère lancerait à l’homme assez osé pour la tourmenter.

— Je ne croyais pas, j’ose l’affirmer, que sir Harry pouvait demander autre chose qu’une nouvelle manière de botter un cheval. Mais j’ai compris par induction que le baronnet se préparait à vous faire une offre de sa main ; premièrement, parce qu’il a descendu l’escalier avec ses cheveux partagés de travers, et que sa figure était aussi pâle que la nappe ; secondement, parce qu’il n’a pu rien manger à déjeuner, et a laissé son café passer de travers, et troisièmement, parce qu’il vous a demandé une entrevue avant de quitter le château. Eh bien, que va-t-il en advenir, Alicia ? Épousons-nous le jeune baronnet, et le pauvre cousin Bob sera-t-il garçon d’honneur à la noce ?

— Sir Harry Towers est un noble cœur, dit Alicia, essayant encore d’échapper à son cousin.

— Mais l’acceptons-nous, oui ou non ? Allons-nous devenir lady Towers, ayant un superbe domaine dans le Herefordshire, des quartiers d’été pour nos chasseurs et un drag, avec des postillons, pour nous conduire rapidement dans la résidence de papa, dans l’Essex ? Va-t-il en être ainsi, Alicia, oui ou non ?

— Que vous importe, Robert, s’écria Alicia avec emportement. Pourquoi vous inquiéter de ce qui adviendra de moi, ou de qui j’épouserai ? Si j’épousais un ramoneur, vous vous contenteriez de lever vos sourcils et de dire : « Bénie soit mon âme ; elle a toujours été excentrique. » J’ai refusé sir Harry Towers, mais lorsque je pense à son affection généreuse et désintéressée, et que je la compare à l’indifférence nonchalante, égoïste, dédaigneuse et sans cœur d’autres hommes,