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LE SECRET DE LADY AUDLEY

qu’elle était cent fois trop belle pour moi. Que Dieu la rende heureuse ! Quelle noblesse et quelle douceur dans son langage ! qu’elle était belle avec cette pudique rougeur sous sa peau brune, et ces larmes dans ses grands yeux gris, presque aussi belle que le jour où elle franchit la haie, et me laissa placer une bruyère à son chapeau en chevauchant vers le logis. Que Dieu la rende heureuse ! Je puis passer sur bien des choses tant qu’elle ne fait pas attention à ce vilain homme de loi, mais je ne pourrais supporter cela. »

Ce vilain homme de loi, dénomination par laquelle sir Harry faisait allusion à Robert Audley, était planté dans le vestibule, examinant une carte géographique des provinces du Centre, lorsqu’Alicia arriva de la bibliothèque, les yeux rouges, après son entrevue avec le baronnet, chasseur au renard.

Robert, qui avait la vue basse, tenait ses yeux à un demi-pouce de la surface de la carte, quand la jeune fille s’approcha de lui.

« Certainement, dit-il, Norwich est dans le Norfolk, et cet étourdi, ce jeune Vincent, affirmait que c’était dans le Herefordshire. Ah ! Alicia, c’est vous ? »

Il se retourna comme pour intercepter le passage à Alicia, qui se dirigeait vers l’escalier.

« Certainement, répliqua brièvement sa cousine, essayant de passer.

— Alicia, vous avez pleuré ? »

La jeune fille ne daigna pas répondre.

« Vous avez pleuré, Alicia. Sir Harry Towers, de Towers Park, dans le comté de Herts, vient de vous faire l’offre de sa main, n’est-ce pas ?

Étiez-vous à la porte à écouter, monsieur Audley ?

— Je n’y étais pas, miss Audley. En principe, je me défends d’écouter, et en pratique, je crois que c’est un procédé très-fatigant ; mais je suis avocat, miss Alicia, et capable de tirer une conséquence par induction.