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LE SECRET

aussi longtemps que vous voudrez. Je n’ai pas de fils, et vous tenez ici pour moi la place d’un fils. Faites-vous bien venir de Lucy, et faites votre demeure du château aussi longtemps que vous vivrez… »

À ces paroles Robert répliquait gaiement en serrant fortement la main de son oncle et en murmurant quelque chose comme : « Vous êtes un jovial vieux prince. »

Il est à observer qu’il y avait une certaine tristesse vague dans le ton du jeune homme quand il appelait sir Michaël « un jovial vieux prince, » comme une ombre de regret affectueux qui faisait passer un nuage dans les yeux de Robert, tandis qu’assis dans un coin du salon il regardait d’un air pensif le baronnet à barbe blanche.

Avant que le dernier des jeunes chasseurs partît, sir Harry Towers demanda et obtint une entrevue avec miss Alicia Audley dans la bibliothèque garnie de chêne, entrevue dans laquelle le brave et jeune chasseur au renard manifesta une grande émotion, — émotion telle, en vérité, et d’un caractère si franc et si honnête, qu’Alicia était complètement brisée en lui disant qu’elle lui conserverait à jamais estime et respect pour son cœur noble et loyal, mais qu’il ne devait jamais, jamais, jamais, à moins de lui causer la plus cruelle peine, lui demander autre chose que cette estime et ce respect.

Sir Harry quitta la bibliothèque par la porte à la française ouvrant sur le jardin au vivier. Il s’enfonça sous cette même allée de tilleuls que George Talboys avait comparée à une avenue de cimetière, et sous les arbres sans feuilles livra combat à son brave et jeune cœur.

« Quel fou je suis de ressentir ce que j’éprouve ! s’écria-t-il, imprimant son pied sur le sol glacé. J’ai toujours su qu’il en serait ainsi, j’ai toujours compris