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DE LADY AUDLEY

cette façon pleine de grâce, demi-enfantine, que ses admirateurs trouvaient si charmante ; mais Alicia était indignée du changement opéré dans la conduite de son cousin.

« Vous avez toujours été un pauvre homme sans vigueur, Bob, dit la jeune fille d’un air de mépris, comme elle s’élançait dans le salon, en costume de cheval, après un déjeuner de chasse auquel Robert n’avait pas assisté, préférant une tasse de thé dans le boudoir de milady. Mais cette année, je ne sais ce qui vous est survenu, vous n’êtes bon à autre chose qu’à tenir un écheveau de soie ou à lire Tennyson à lady Audley.

— Ma chère pétulante et impétueuse Alicia, ne vous mettez pas en fureur, dit le jeune homme d’un air suppliant. Une conclusion n’est pas une porte à cinq barres, et vous n’avez pas besoin de lâcher la bride à votre jugement, comme vous le faites à votre jument Atalante quand vous courez à travers champs sur les talons d’un infortuné renard. Lady Audley m’intéresse, et les amis de campagne de mon oncle, pas du tout. Est-ce là une réponse suffisante, Alicia ? »

Miss Audley remua la tête avec un petit mouvement rempli de dédain.

« C’est une aussi bonne réponse que celle que je pourrai jamais obtenir de vous, Bob, dit-elle avec impatience, mais je vous en prie, amusez-vous à votre fantaisie ; étendez-vous dans un fauteuil tout le jour, avec ces deux absurdes chiens endormis sur vos genoux ; abîmez les rideaux de croisée de milady avec la fumée de vos cigares, et ennuyez tout le monde dans la maison avec votre contenance stupide et inanimée. »

M. Robert Audley ouvrit ses beaux yeux gris de toute leur grandeur à cette tirade, et jeta un regard désespéré sur miss Alicia.