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DE LADY AUDLEY

leurs gonds rouillés ; c’était lui qui avait culbuté le pigeonnier et détruit la girouette assez imprudente pour se dresser et constater les mouvements de sa puissance ; c’était lui qui avait fait bon marché du moindre morceau de treillage en bois, des plantes grimpantes, du frêle balcon, et de toute modeste décoration quelconque, et avait arraché et dispersé le tout dans sa fureur dédaigneuse ; c’était lui, en un mot, qui avait mis en morceaux, abîmé, crevassé et disloqué la masse chancelante des bâtiments, puis s’était évanoui en mugissant dans le désordre et le triomphe de sa vigueur exterminatrice. Le propriétaire découragé s’était fatigué de sa longue lutte avec ce puissant ennemi, aussi le vent était-il resté libre d’agir selon ses caprices, et l’Auberge du Château tombait lentement en ruine. Mais, malgré tout ce qu’elle souffrait en dehors, elle n’en était pas moins prospère à l’intérieur. De vigoureux bouviers s’arrêtaient pour boire au petit comptoir ; des fermiers aisés passaient leurs soirées à parler politique dans la salle basse et lambrissée, tandis que leurs chevaux mâchaient quelque mélange suspect de foin moisi et de fèves passables dans les écuries en ruine. Quelquefois même les membres de la chasse d’Audley avaient fait une halte à l’Auberge du Château, pour se rafraîchir et faire manger leurs chevaux ; une fois, dans une grande occasion qui n’avait jamais été oubliée, un dîner avait été commandé par le chef piqueur pour une trentaine de gentlemen, et le propriétaire était devenu presque fou à la nouvelle de cette importante commande.

Aussi Luke Marks, qui ne s’inquiétait pas le moins du monde de la vue du beau, s’estima très-heureux de devenir propriétaire de l’auberge de Mount Stanning.

Une carriole attendait dans le brouillard pour transporter le nouveau couple dans sa nouvelle demeure, et quelques simples villageois, qui avaient connu