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LE SECRET

relle avec sa mère. Je vous dis, milady, que je dois l’épouser.

— Tu es une sotte, tu ne dois rien faire de ce genre, répondit Lucy. Tu dis qu’il te tuerait, le crois-tu ? Penses-tu que s’il y a du meurtrier en lui, tu puisses jamais être en sûreté étant sa femme ? Si tu le contraries ou le rends jaloux ; s’il a besoin d’épouser une autre femme ou de s’emparer de quelque pauvre et pitoyable bribe d’argent à toi, ne pourrait-il pas te tuer alors ? Je te dis que tu ne peux pas l’épouser, Phœbé. En premier lieu, je déteste cet individu ; et en second lieu, je ne puis consentir à me séparer de toi. Nous lui donnerons quelques livres et le renverrons à sa besogne. »

Phœbé Marks saisit les mains de milady dans les siennes et les serra convulsivement.

« Milady, ma bonne et excellente maîtresse, s’écria-t-elle avec impétuosité. N’essayez pas de me contrarier en ceci ; ne me demandez pas de le contrarier. Je vous dis que je dois l’épouser. Vous ne savez pas ce qu’il est ; il travaillera à ma ruine et à la ruine des autres si je manque à ma parole. Je dois l’épouser !

— Très-bien alors, Phœbé, répondit sa maîtresse. Je ne peux m’y opposer. Il doit y avoir quelque secret au fond de tout ceci.

— Il y en a un, milady, dit la jeune fille, le visage détourné de celui de Lucy.

— Je serai très-fâchée de te perdre ; mais j’ai promis d’être ton amie en toutes choses. Que veut faire ton cousin pour vivre quand vous serez mariés ?

— Il désirerait tenir une auberge.

— Alors il tiendra une auberge, et qu’il s’y enivre à se donner la mort, le plus tôt sera le mieux. Sir Michaël se rend ce soir à un dîner de garçons chez le major Margrave, et ma belle-fille est chez ses amis de la Grange. Tu peux amener ton cousin dans le salon