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LE SECRET

besoin de lire des livres effrayants dans cette lugubre résidence. »

Lady Audley haussa les épaules et rit de la naïveté de sa femme de chambre.

« C’est une résidence lugubre, Phœbé, dit-elle, quoiqu’il ne faille pas dire cela à mon vieil époux chéri. Bien que je sois la femme de l’un des hommes les plus influents du comté, je ne sais si je n’étais presque pas aussi bien dans la maison de M. Dawson ; et cependant c’est quelque chose que de porter des fourrures de zibeline qui coûtent soixante guinées et d’avoir fait dépenser mille livres pour la décoration de mon appartement. »

Traitée comme une compagne par sa maîtresse, recevant de sa libéralité des gages considérables et des gratifications telles que peut-être aucune femme de chambre n’en avait jamais reçu de semblables, il était étrange que Phœbé Marks aspirât à quitter sa position ; mais il n’était pas moins vrai qu’elle était désireuse d’échanger tous les avantages du château d’Audley contre la perspective peu rassurante qui l’attendait en épousant son cousin Luke.

Le jeune homme était parvenu à s’associer en quelque manière à la fortune croissante de sa belle. Il n’avait accordé aucun repos à Phœbé, jusqu’à ce qu’elle eût obtenu pour lui, par le secours de l’intervention de milady, une position de valet subalterne au château.

Il n’accompagnait jamais à cheval Alicia ou sir Michaël ; mais dans une de ces rares occasions où milady monta le joli petit pur sang réservé pour son usage, il vint à bout de l’escorter dans sa promenade. Il en vit assez dans la première demi-heure qu’ils furent dehors pour découvrir que, malgré l’apparence gracieuse que pouvait avoir Lucy Audley dans sa longue amazone bleue, elle était une cavalière timide et totalement incapable de gouverner l’animal qu’elle montait.