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LE SECRET

lington Arcade, et pour discourir avec sa maîtresse sur les points obscurs de ces romans. La ressemblance que la femme de chambre avait avec lady Audley était peut-être un lien sympathique entre les deux femmes. Ce n’était pas, à proprement parler, une ressemblance frappante ; un étranger aurait pu les voir toutes les deux ensemble et ne pas en faire la remarque. Mais il y avait certains jours tristes et sombres où, regardant Phœbé Marks se glisser lentement à travers les noirs corridors lambrissés de chêne du château, ou sous les avenues couvertes du jardin, vous eussiez pu la prendre pour milady.

Les vents violents d’octobre balayaient les feuilles des tilleuls dans la longue avenue, les chassaient et les amoncelaient en tas flétris avec un bruit sinistre qui résonnait sur le gravier desséché de la promenade. Le vieux puits devait être à moitié comblé avec les feuilles qui y avaient été poussées et tournoyaient en tourbillons rapides dans son ouverture noire et en ruine. Les mêmes feuilles se décomposaient lentement dans le fonds tranquille du vivier, mêlées avec les herbes entrelacées qui coloraient la surface de l’eau. Tous les jardiniers que sir Michaël aurait pu employer eussent été impuissants à préserver les terres qui entouraient le château de l’empreinte de la main destructive de l’automne.

« Que je déteste ce mois désolé, dit milady, en se promenant dans le jardin toute grelottante sous son manteau de fourrure ; tout tombe en ruine et se flétrit ; et le soleil froid et vacillant illumine d’en haut la terre défigurée, comme la clarté d’une lampe éclaire les rides d’une vieille femme. Deviendrai-je jamais vieille, Phœbé ? Ma chevelure tombera-t-elle jamais comme les feuilles qui tombent de ces arbres, et me laissera-t-elle défaite et dépouillée comme eux ? Que deviendrai-je, lorsque je serai vieille ? »