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DE LADY AUDLEY

tresse ; mais ceux-ci avaient été si satisfaisants qu’on avait cru inutile d’en prendre d’autres, et que miss Lucy Graham avait été agréée par le chirurgien comme institutrice de ses filles. Les qualités, si brillantes et si nombreuses, faisaient paraître étrange qu’elle eût répondu à un avertissement offrant une rémunération aussi médiocre que celle proposée par M. Dawson ; mais miss Graham semblait parfaitement satisfaite de sa position, et enseignait aux jeunes filles à jouer les sonates de Beethoven, à copier les dessins d’après nature de Creswick, et traversait le triste village enfoui dans les terres, trois fois le dimanche, pour se rendre à l’humble petite église, aussi contente que si elle n’eût eu de plus haute aspiration dans ce monde que d’agir ainsi le reste de sa vie.

Ceux qui l’observaient s’accordaient à dire que c’était une douce et aimable nature, toujours riante, toujours heureuse, et s’accommodant de tout.

Partout où elle allait, elle semblait apporter avec elle la joie et la lumière. Dans la chaumière du pauvre, son beau visage brillait comme un rayon de soleil. Elle s’asseyait volontiers un quart d’heure pour causer avec une vieille femme, et paraissait aussi heureuse de l’admiration de la mégère édentée que si elle eût écouté les compliments d’un marquis ; en se retirant, elle ne laissait rien derrière elle (car son modique salaire ne lui permettait pas le plaisir de la charité), et la vieille femme, néanmoins, ne manquait pas de lui témoigner tout son ravissement pour sa grâce, sa beauté et son affabilité, comme elle ne l’avait jamais fait pour la femme du vicaire qui l’avait presque toujours nourrie et habillée. Miss Lucy Graham, on le voit, était douée de ce magique pouvoir de fascination qui permet à une femme de charmer avec un mot ou d’enivrer avec un sourire. Tout le monde l’aimait, l’admirait, et faisait son éloge. Le garçon qui ouvrait la