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LE SECRET DE LADY AUDLEY
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monde du château attacha très-peu d’importance à la disparition de M. Talboys, et passé cette unique occasion, son nom ne fut plus jamais mentionné soit par sir Michaël, soit par milady ou Alicia.

Alicia Audley et sa jolie belle-mère n’étaient en aucune façon meilleures amies après la paisible soirée où le jeune avocat avait dîné au château.

« C’est une petite coquette frivole, vaine et sans cœur, dit Alicia en s’adressant à son terre-neuve César, qui était le seul confident de la jeune fille ; c’est une habile et consommée rouée, César, et non contente de faire manœuvrer ses boucles blondes et son ricanement niais pour la moitié des hommes de l’Essex, il faut qu’elle s’efforce de captiver l’attention de mon stupide cousin. J’ai une patience peu commune avec elle. »

Pour preuve de cette dernière assertion, miss Alicia Audley traita sa belle-mère avec une impertinence si notoire, que sir Michaël dut en adresser des remontrances à sa fille unique.

« La pauvre petite femme est si sensible, vous savez, Alicia, dit gravement le baronnet, et elle ressent si vivement votre conduite.

— Je ne crois pas un mot de cela, papa, répondit Alicia avec fermeté. Vous croyez qu’elle est sensible, parce qu’elle a de petites mains blanches et douces, et de grands yeux bleus avec de longs cils, et toutes sortes de manières affectées et fantasques que vous autres hommes absurdes appelez fascinantes. Sensible ! Eh bien, je lui ai vu faire des choses cruelles avec ces doigts blancs et élégants, et rire de la douleur qu’elle causait. Je suis très-fâchée, papa, ajouta-t-elle, un peu adoucie par le regard de détresse de son père, qu’elle soit venue s’interposer chez nous, et dérober à Alicia l’affection de ce cœur cher et généreux, pour l’amour duquel j’espérais pouvoir m’attacher à elle ;