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LE SECRET

— De quelles intentions ?

— Je veux parler de sa détermination d’aller en Australie.

— Je savais qu’il avait toujours eu cela en tête plus ou moins, mais pas plus aujourd’hui précisément que d’habitude.

— Il s’embarque ce soir à Liverpool. Il est venu ici ce matin, à une heure, pour voir son enfant, m’a-t-il dit, avant de quitter l’Angleterre et peut-être n’y revenir jamais. Il m’a dit qu’il était ennuyé du monde, et que la vie rude de là-bas était la seule chose qui pût lui convenir. Il est resté une heure, a embrassé l’enfant sans le réveiller, et a quitté Southampton par le train-poste de deux heures un quart.

— Que peut signifier tout ceci ? dit Robert. Quel motif a pu lui faire quitter l’Angleterre de cette manière, sans un mot pour moi, son plus intime ami, — sans même changer de vêtements ; car il a laissé tous ses effets dans mon appartement ? C’est une conduite vraiment extraordinaire ! »

Le vieillard paraissait très-sérieux.

« Savez-vous, monsieur Audley, dit-il en frappant son front d’une manière significative, que je m’imagine quelquefois que la mort d’Hélen a produit un étrange effet sur le pauvre George ?

— Bah ! s’écria Robert avec mépris ; il a ressenti le coup très-cruellement, mais son cerveau est aussi sain que le vôtre ou le mien.

— Peut-être vous écrira-t-il de Liverpool, » dit le beau-père de George.

Il paraissait anxieux d’apaiser l’indignation que Robert pouvait éprouver de la conduite de son ami.

« Il le doit, dit Robert gravement, car nous avons été bons amis depuis le temps où nous étions ensemble à Eton. Ce n’est pas bien de la part de George de me traiter ainsi. »