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DE LADY AUDLEY

Ce n’était pas une meurtrissure, mais quatre marques rouges et distinctes, semblables à celles qu’auraient pu y laisser quatre doigts d’une puissante main qui aurait saisi le poignet délicat tant soit peu trop rudement. Un ruban étroit, lié fortement, pouvait avoir produit quelques marques pareilles, il est vrai, et milady protesta une fois de plus qu’autant qu’elle pouvait s’en souvenir, ce devait être ainsi que la chose s’était faite.

En travers des faibles marques rouges il y avait une teinte plus foncée, comme si un anneau porté par l’un de ces doigts vigoureux et cruels s’était incrusté dans cette tendre chair.

« Je suis sûr que milady nous raconte là de jolis mensonges, pensa Robert, car je ne puis croire à l’histoire du ruban. »

Il souhaita le bonsoir et une bonne nuit à ses parents vers dix heures et demie, et dit qu’il courrait à Londres par le premier train pour chercher George dans Fig-Tree Court.

« Si je ne le trouve pas là, j’irai à Southampton, dit-il, et si je ne le trouve pas à Southampton…

— Eh bien, alors ? demanda milady.

— Je croirai que quelque chose d’extraordinaire lui est arrivé. »

Robert Audley se sentit découragé en se rendant lentement à son logis à travers des prairies couvertes de ténèbres ; plus découragé encore lorsqu’il rentra dans le salon de l’auberge du Soleil, où lui et George avaient flâné ensemble, regardant par la croisée et fumant leurs cigares.

« Penser, dit-il en méditant, qu’il est possible de s’attacher autant à un camarade ! Mais, arrive que pourra, ma première chose, demain matin, sera de courir après lui à Londres, et, plutôt que de manquer de le trouver, j’irais jusqu’aux confins du monde. »