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LE SECRET DE LADY AUDLEY

M. George Talboys est retourné à Londres ! s’écria milady en relevant ses sourcils.

— Quelle effroyable catastrophe ! dit malicieusement Alicia. Depuis ce moment, Pythias, dans la personne de M. Robert Audley, ne peut exister une demi-heure sans Damon, généralement connu sous le nom de George Talboys.

— C’est un excellent camarade, dit Robert avec énergie, et, pour dire la simple vérité, je suis presque inquiet sur son compte. »

Inquiet sur son compte ! Milady était presque soucieuse de savoir pourquoi Robert était inquiet sur le compte de son ami.

« Je vais vous dire pourquoi, lady Audley, répondit le jeune avocat. George a ressenti un coup très-douloureux, il y a un an, à la mort de sa femme. Il n’a jamais surmonté ce chagrin. Il prend la vie très-tranquillement, presque aussi tranquillement que je le fais ; mais il parle souvent d’une façon vraiment étrange, et quelquefois je pense qu’un de ces jours cette affliction sera plus forte que lui, et qu’il fera quelque chose d’écervelé. »

M. Robert Audley parlait vaguement ; mais ses trois auditeurs comprenaient que ce quelque chose d’écervelé auquel il faisait allusion était un de ces actes sur lesquels il n’y a pas à revenir.

Il y eut un court moment de silence, pendant lequel lady Audley arrangea ses blondes boucles avec le secours de la glace sur la console en face d’elle.

« En vérité, dit-elle, ceci est vraiment extraordinaire. Je ne croyais pas que les hommes fussent capables de ces profondes et durables affections ; je croyais qu’une jolie figure avait autant de prix pour eux qu’une autre jolie figure, et que, lorsque le numéro un avec des yeux bleus et une belle chevelure mourait, ils avaient seulement à chercher le numéro deux, avec