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LE SECRET

berge pour dîner ! murmura-t-il en réfléchissant ; et encore cela ne lui ressemble pas beaucoup, car il se souvient rarement même de ses repas, à moins que je ne rafraîchisse sa mémoire. »

Même un bon appétit et la certitude que son dîner se ressentirait probablement de ce retard ne purent activer la nonchalance constitutionnelle de M. Robert Audley, et lorsqu’il arriva devant la porte du Soleil, les horloges sonnaient cinq heures. Il croyait si bien trouver George Talboys l’attendant dans le petit salon, que l’absence de ce gentleman sembla donner à l’appartement un aspect lugubre, et Robert soupira tout haut.

« Ceci est fort, dit-il : un dîner froid et personne pour le manger avec moi ! »

L’hôtelier du Soleil vint lui-même s’excuser pour ses plats perdus.

« Une si belle paire de canards, monsieur Audley, comme jamais vos yeux n’en ont vu, et tout cela brûlé et réduit en cendres à force de le faire chauffer.

— Ne me parlez donc pas de vos canards, dit Robert impatienté ; où est M. Talboys ?

— Il n’est pas rentré, monsieur, depuis que vous êtes sortis ensemble ce matin.

— Quoi ! s’écria Robert. Mais, au nom du ciel, que peut avoir fait cet homme ? »

Il marcha vers la croisée et regarda dehors sur la grande route blanche. Il y avait une charrette chargée de bottes de foin qui avançait péniblement ; les chevaux paresseux et le conducteur, aussi paresseux qu’eux, baissaient la tête avec un air fatigué sous le soleil du soir. Il y avait un troupeau de moutons éparpillé sur la route, ayant un chien qui se donnait la fièvre à courir après eux pour les maintenir convenablement. Il y avait des maçons revenant du travail, — un chaudronnier raccommodant quelques ustensiles